Bébé Hulke a trois ans et demi.
Au Québec, Bébé Hulke ne va pas à l'école.
Lorsque je la vois asséner, sourcils froncés et poings sur les hanches, à l’enfant qui veut observer de plus près l’Héritier dans le porte-bébé, un tonitruant « Dégage de là, c’est ma maman ! Et c’est mon frère aussi ! », je suis bien forcée de constater que cela entraine un retentissement certain sur son apprentissage de la vie en collectivité.
Mais je me console bien vite non pas en songeant qu’elle échappe pour quelques mois aux rhinovirus, entérovirus, H1N1, streptocoques, méningocoques, bacilles de Koch, Yersinia et autres prions… Mais bien qu’en plus de compter, de reconnaître les lettres et de chanter de sa plus belle voix, elle allie un certain sens de l’observation à une mémoire étonnante pour son âge.
À trois ans, voyant la scène culte de King Kong, elle s’est exclamée : ah mais je reconnais, je suis déjà montée en haut. Je vous laisse imaginer notre ébahissement : tu te rappelles de New York ? Mais tu avais à peine dix-neuf mois quand on t’y a emmenée… Et la gamine blasée : oui, mais j’aime mieux Mourial !
Que la famille américaine ne se vexe pas : Fille Aînée a préféré New York, et les petits cousins qui y vivent. Quand Bébé Hulke parle de Montréal, elle pense à la Mauricie et aux amis de Saint-Mathieu du Parc qui nous ont hébergés l’été dernier, heureux propriétaires d’un ranch avec chevaux, poules, chats, chiens et chèvres… À deux ans et demi, les biquettes c’est beaucoup plus intéressant que des cousins, c’est bien connu.
D’où la déception à l’arrivée à Alma et ses cinquante centimètres de neige :
_ Quand est-ce qu’on prend l’avion pour aller au Canada ?
_ Mais on y est !
_ Ah non, ça c’est le Portugal !
_ …
Au temps pour le sens de l’observation.