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mercredi 23 mars 2011

Immigration Cours 102

Source : blog Les chroniques d'Oxygène

Dans l’épisode précédent, le troupeau décidait de partir en expédition vers chez les voisins du Sud comme ils disent.

13H15 : le troupeau quitte Alma. Le temps est clair, il fait chaud, au moins 2°C, autant dire le printemps ! Sherpapa est au volant et évite les nids-de-poule avec brio. Fille Aînée et Bébé Hulke se chamaillent à propos du prochain CD. L’Héritier dort. J’admire le majestueux paysage de la réserve faunique des Laurentides. Je ne suis pas du tout, mais alors pas du tout stressée par les panneaux « Attention, risque majeur d’intrusion d’orignal. En cas d’intrusion composez le 511 ». J’ai juste déjà composé le numéro et j’ai juste le doigt posé sur la touche appel. Le seul orignal que j’ai vu de ma vie était empaillé, mais déjà à l’époque j’avais pensé que ça ne devait pas faire du bien que de le voir passer à travers le pare-brise. Pour mémoire, un mâle adulte mesure 2,5m au garrot et pèse 600kg.

14H52 : première pause à l’Étape. Comme son nom l’indique, c’est le seul arrêt et le seul poste d’essence sur la route dans la réserve.

15H23 : le temps qui était jusqu’alors dégagé se gâte un peu ; il pleut de la neige fondue…

16H01 : le troupeau déplore un incident technique ; l’essuie-glace avant droit s’envole. Ne me demandez pas pourquoi, je ne pensais même pas que c’était possible. Après mûre réflexion nous arrivons à la conclusion qu’essayer de les fixer en extérieur par -30° n’était peut-être pas une bonne idée et que finalement ils n’étaient pas si bien enclenchés que ça. Malheureusement il pleut toujours… 

16H55 : le troupeau arrive enfin dans la zone d’activité commerciale de Québec. Sauf que le samedi, tous les commerces, y compris les quincailleries comme le Canadian Tire, ferment à 17H. Le temps de le trouver… il est bien plus de 17H.

17H47 : quatre garages (tous fermés) et trois stations-service (à inventaire réduit) plus tard, le troupeau repart avec de nouveaux essuie-glaces… et décide de récupérer d’abord les clés de la chambre d’hôtel.

20H41 : arrivée du troupeau à Montréal. Le troupeau, qui a un peu dépassé les 100km/h autorisés, récupère les clés de la chambre.

21H07 : le troupeau repart direction Saint-Bernard de Lacolle.

21H08 : le doute s’empare du troupeau. Faudra-t-il ou non remplir un formulaire I-94 à la frontière américaine (remplacé par le formulaire ESTA par voie aérienne pour ceux qui connaissent) ? Dans ce cas faudra-t-il s’acquitter des 6 dollars américains en cash par personne ? C’est du moins ce qui se dit sur le site du Consulat général de France au Québec. Le troupeau fait donc demi-tour et part à la recherche de dollars américains. La bonne nouvelle c’est que un nombre conséquent de distributeurs montréalais sont alimentés en dollars américains. La mauvaise nouvelle c’est que ça ne marche pas avec des cartes bleues françaises, au moins pour un certain nombre de banques émettrices (le troupeau aime bien avoir un tas de comptes qui ne servent à rien). Qu’à cela ne tienne, le troupeau part à la recherche d’un bureau de change. Ah. Pourtant on vous l’a dit plus haut. TOUS les commerces ferment à 17H le samedi, y compris les bureaux de change.

22H32 : le troupeau trouve enfin ce qui doit être le seul bureau de change ouvert la nuit du samedi à Montréal, change 30 dollars et re-repart direction Saint-Bernard de Lacolle.

23H21 : la frontière américaine est en vue. Au vu de l’heure tardive, un seul poste est ouvert. Heureusement, il n’y a que deux véhicules en avant.

23H28 : le mini-van est garé devant les douanes américaines. Il va être fouillé par deux douanières relativement avenantes pendant que le troupeau va procéder aux formalités.

00H10 : après vérification consciencieuse des documents et séance de prise d’empreintes et de photographies, le troupeau est autorisé à récupérer son véhicule, son entrée aux États-Unis est refusée. Pas de panique, ça veut juste dire qu’on a le droit de faire demi-tour vers le Canada. Et qu’en fait il n’y avait pas besoin des 6 dollars..Le troupeau se console en voyant le bus de voyageurs qui vient d’arriver. Deux étages, ouf !

00H18 : le douanier québécois s’étonne, s’horrifie et se réjouit tour à tour : comment ? Un tour du poteau à cette heure ? Avec trois enfants en bas âge ? Ah vous venez d’Alma ? Oh mon Dieu, mais c’est super loin ! Deux médecins de famille ? Youpi !

00H20 : le mini-van est garé devant le service d’immigration canadien.

00H55 : mon permis est validé, nos cinq passeports sont tamponnés, on a le droit de rester jusqu’au 26 juin 2011 minuit. Il faudra que je demande une prorogation pour les deux dernières semaines de stage, mais comme mentionné dans le précédent billet, je pourrai le faire en ligne. Étant donné que j’avais déjà en main le certificat d’acceptation du Québec valide jusqu’au 11 juillet, l‘agente d’immigration aurait pu émettre un permis valide jusqu’à cette date. C’est en tout cas ce que m’avait dit au téléphone la personne de Service Immigration Canada. Mais elle n’a pas voulu. D’ailleurs elle ne voulait pas non plus que Sherpapa reste après la fin de son permis à lui, soit après le 10 avril. Elle a quand même fini par accepter de me le mettre en personne accompagnante, ce qui d’ailleurs avait été fait lorsque j’avais rempli mon dossier à l’ambassade du Canada à Paris. Trop sympa. Si je vous dis que pour couronner le tout, c’était une canadienne anglaise, j’ai l’air d’insinuer des choses ?

1H42 : de retour à Montréal, le troupeau cherche de quoi se sustenter. Enfin, pas tout le monde, l’Héritier a tété à la station-service, à l’hôtel, à la douane américaine, ainsi qu’à l’immigration canadienne, lui. Mais Fille Aînée et Bébé Hulke pleurent de famine et Sherpapa se sent un appétit à retourner aussitôt dans la réserve faunique des Laurentides histoire d’emboutir un orignal et de le manger tout cru.

2H34 : Sherpapa sort du Mac Do. Oui, oui, 52mn pour se faire servir deux menus et deux cheese-burgers à emporter. Si quelqu’un tient un guide Michelin des Mac Do du monde, c’est le moment de rayer celui à l'angle avenue Union et rue Sainte-Catherine.

2H58 : le troupeau s’endort enfin.

3H00-4H00 : passage à l’heure d’été !


N’empêche, je suis hyper-déçue. D’abord, mon agente n’avait pas de moustache comme mentionné dans la brochure d’Immigration Canada. Non pas que je voue un culte particulier à la pilosité faciale, d’ailleurs à bien y penser je ne tolère que deux moustaches, celle de Don Diego de la Vega et celle de Clark Gable. Bon je veux bien faire un effort pour Georges Brassens, mais après c’est non négociable. Mais en plus figurez-vous qu’elle ne m’a même pas souhaité la bienvenue au Canada !

samedi 19 mars 2011

Immigration Cours 101

Photo : BMA

Le 101 désigne un cours d’introduction à la théorie et aux méthodes de base, ou encore cours de présentation générale dans les universités américaines.

Au risque de passer pour une mère indigne Rhââââârgh dans un mois la fin du congé maternité enfin j’en peux plus j’ai la très grande joie de vous informer que le temps était venu pour moi de valider mon permis de travail.

Parce qu’en fait, depuis deux mois et demi que je me trouve sur le sol canadien, j’ai le statut, ainsi que ma nichée au grand complet, d’accompagnateur de travailleur temporaire. Ce qui n’est pas du tout synonyme de touriste. Un touriste avec un passeport français peut séjourner six mois. Un travailleur temporaire doit quitter le Canada au plus tard à la date d’expiration de son permis, ainsi que ses accompagnateurs. Pour pouvoir prolonger son séjour, un travailleur temporaire soit renouvelle son permis temporaire, auquel cas il présente sa demande au service d’Immigration Canada, soit redevient visiteur, auquel cas il présente aussi sa demande au service d’Immigration Canada. Tout ça bien sûr tant qu’il n’est pas en possession du précieux sésame de la résidence permanente. Tout le monde suit ?

La bonne nouvelle, c’est qu’une modification de statut ou une prorogation de permis se demande en ligne et s’attend gentiment en surveillant sa boîte aux lettres. En revanche pour un premier permis, il faut entrer au Canada. Et quand on dit entrer, on parle d’une entrée physique, avec tous les accompagnants, pour que tout le monde ait son petit visa bien à jour.

Niveau point d’entrée physique, le choix est mince : la voie maritime qu’on va aussitôt oublier, la voie aérienne, utilisée pour le permis de Sherpapa, voir ici et enfin la voie terrienne, la plus folklorique.

Ceux qui ont la chance de résider à Montréal se font conduire à Saint-Bernard de Lacolle, province de Québec, à peu près à 60 kilomètres de voies rapides, franchissent la frontière pour aller à Champlain, état de New York et la refranchissent aussitôt dans l’autre sens pour valider leur entrée physique sur le territoire canadien.

Pour mon tour du poteau à moi nous prîmes la route samedi dernier, après avoir réservé pour la nuit à Montréal, pas fâchés de retrouver la civilisation métropole pour quelques heures.

Comme de juste, compte-tenu de notre villégiature septentrionale, nous partîmes de très bon matin. À 6h47 8h14 11h32 13h15, la voiture était vérifiée et les sièges autos correctement chargés et fixés. Gaussez-vous ! Avant (je parle des temps lointains et nébuleux où j’étais encore célibataire) j’étais ponctuelle, si, si, ponctuelle et même fière de l’être. Bon d’accord, ça n’a jamais été le cas de Sherpapa. Je glisse d’ailleurs ici un grand merci à son témoin qui l’a amené à l’heure à notre mariage et je jure solennellement sur l’honneur qu’il n’est jamais arrivé en retard en stage ici au Québec. Ça vous en bouche un coin, hein ?

Bref, après avoir ouvert un œil à 6 heures, un deuxième à 7 heures, déjeuné à 8 heures, douché tout le monde à 11 heures, chargé la valise et la poussette à midi, vérifié tous les documents à 12h45, fait le plein d’essence, vérifié les niveaux et la pression des pneus à 13h15, nous voilà partis direction la frontière américaine. Le GPS indiquait très précisément une durée de trajet de 6 heures et 56 minutes…

jeudi 17 mars 2011

Confraternellement vôtre


Nous n’irons pas à Val d’Or. Nous ne découvrirons pas l’Abitibi-Témiscamingue. Je ne ferai pas de visite à domicile dans les réserves indiennes algonquines. Nous ne goûterons pas la tarte aux mouches noires.

J’en vois des qui frémissent d’angoisse anticipée à l’idée de leur grasse matinée de la semaine piétinée par le grand retour de Bébé Hulke et ses entrechats hippopotamesques du dimanche matin 6h12.

J’en vois des qui éteignent religieusement la loupiote de la chapelle votive érigée en faveur de notre retour.

J’en vois des qui hochent la tête d’un air faussement navré genre je le savais bien qu’ils ne resteraient pas ! Québec ou France, même combat, le système de santé est pourri alors pourquoi partir ?

J’en vois des qui secouent la tête genre qu’est-ce que n’importe qui doué d’un peu de bon sens irait faire là-bas de toute manière, comme disait l’autre, c’est pas un pays, c’est l’hiver, en plus y a même pas de boutique Louboutin, de toute façon des Louboutin dans 35 cm de neige c’est du suicide doublé de non-assistance à chaussure protégée.

J’en vois des qui chiffonnent leur ordonnance de tranquillisants genre j’aurai plus besoin de ça pour prendre l’avion pour aller les voir.

J’en vois des qui se tapotent le genou un peu déçus genre ben moi j’y serais bien allé, là-bas, les voir.

J’en vois même des qui se disent genre c’est bien fait, pour qui ils se prenaient ceux-là, qu’ils aillent donc faire un peu les chauffeurs de taxi à Montréal comme les cohortes de médecins étrangers non mais.

Et bien récupérez un rythme cardiaque sinusal régulier, rallumez loupiote, défroissez ordonnance, laissez genou en paix, hochez la tête, ravalez votre dépit, on ne part pas à Val d’Or mais on reste quand même.

Figurez-vous que dans sa grande mansuétude, le Collège des Médecins du Québec a accepté que je prenne la suite de Sherpapa comme stagiaire à Alma. Cela ne s’est pas fait tout seul bien sûr.

Il y a eu d’abord la Bonne Fée de Saint-Tite qui s’est fait rembarrer sauvagement avec un « on délivre pas de permis de couple ! S’y sont pas contents, z’ont qu’à rester chez eux ! » (ça a un petit côté très « qu’ils mangent de la brioche » quand même). Puis c’est la Bonne Fée d’Alma qui s’est proposée spontanément comme maître de stage pour moi, emportant la décision.

Mesdames les Bonnes Fées, je profite donc du moment pour vous exprimer mes remerciements les plus enthousiastes et les plus confraternels.

Le troupeau reste entier. Youpi !

vendredi 11 mars 2011

L'âge de raison


Fille Aînée sait ce qu’elle veut faire plus tard. Est-ce que trapéziste c’est un métier qui gagne plein d’argent ? Heu non. Et fermière ? Non plus. Bon bah je serai trader alors…

Fille Aînée est une grande sœur hors de pair. Sa sœur et son frère ont encore l’intégrité de leurs doigts et de leur scalp. Étonnant, lorsqu’on se rappelle qu’à trois ans elle se faisait une auto-coupe de cheveux digne d’un coiffeur des troupes d’infanterie de marine américaines. À ce propos, Fille Aînée souhaite une (très) grande fratrie, genre dix ou douze. Mais on fera comment ? C'est simple, Papa arrêtera de faire docteur et il fera conducteur de bus à la place.

Fille Aînée pousse l’art de la procrastination à son extrême. Range ta chambre ! Et si je passais plutôt la vadrouille dans toute la maison ? On dirait que je serais Cendrillon. Tu sais quoi? Permets-moi juste d’enregistrer cette conversation avant que tu aies l’idée d’appeler la DPJ (Direction de la Protection de la Jeunesse, équivalent québécois de l’Aide Sociale à l’Enfance française) dans quelques années.

Fille Aînée adore la cuisine. Elle sait bien qu’elle n’a pas le droit de trancher les oignons ni de s’approcher du four et des casseroles sur le feu, même juste pour mettre du sel. Alors elle se venge sur la pâte à crêpes. Tu l’as aimée, dis Maman, ma recette ? Hum, c’est à dire que les gros morceaux de pain de mie et les brins d'aneth dedans c’est conceptuel, mais pas inintéressant. Ce sera toujours moi qui la fera alors ? Heu… bien sûr, on attendra juste la prochaine Chandeleur de dans vingt ans.

Fille Aînée est très forte pour dater une robe de princesse. Renaissance, Louis XV, Guerre Civile Américaine, je lui ai bien transmis les différences entre un corps à baleines et un corset, entre une crinoline et un vertugadin. C’est du côté de la chronologie que ça se gâte. Dis Maman, quand tu es née, on écrivait encore en hiéroglyphes ? Ha ha ! Jaune…

Fille Aînée cultive les idées saugrenues. Dernière en date : panique à la maison avant une promenade qui risque de s’éterniser avec l’Héritier : mais où sont donc passées les lingettes ? Fille Aînée sait. Voyons, au congélateur bien sûr! Comment ça au congélateur ? Ben j’ai pensé que ce serait plus rafraîchissant. On n’a finalement pas testé les lingettes frappées sur l’intimité de l’Héritier…pas sûr qu’il aurait apprécié l’intention à sa juste valeur…

Bref Fille Aînée est une poète. Après tout, elle s’en sort bien, même pour les superstitieux, vu qu’elle est née le jour des attentats de Madrid. Vous ai-je dit que la fête de sa sainte patronne était le 11 septembre ?

Et vous l’aurez compris, aujourd’hui nous vous invitons à fêter avec nous à grand renfort de cupcakes et de glaçage dégoulinant l’âge de raison de Fille Aînée. En espérant qu’elle devienne raisonnable. Mais pas trop vite quand même.

samedi 5 mars 2011

J'ai une crotte sur le coeur

Jaddo a été braquée!

Jaddo est une jeune généraliste remplaçante, confer le blog Juste après dresseuse d’ours dans ma liste de liens. Je ne la connais pas personnellement, mais je l’aime beaucoup. J’ose croire que je lui ressemble un peu. Moi aussi j’ai remplacé, moi aussi je m’enthousiasme pour mon métier et mes patients, en dépit des absurdités et les tracasseries inhérentes à cette drôle de profession. Et si je n’y crois plus parfois, j’y crois quand même encore le plus souvent.

Jaddo a été braquée!

Pour rien, pour quelques euros, pour une carte bleue, pour un Iphone. D’un point de vue physique, on peut dire qu’elle a de la chance, elle n’a pas été violée ni tabassée, elle est encore vivante pour en parler et même un peu en rire. D’un point de vue moral… il n’y a qu’elle qui pourra faire ce travail-là.

Jaddo a été braquée!

Une des médecins que remplaçait Sherpapa, elle, a eu poignet et mâchoire fracturés parce qu’elle a rechigné à donner les clés de sa Mini toute neuve. Comme à tous mes confrères ça aurait pu m’arriver ; j’ai remplacé la plupart du temps dans un cabinet ouvert à tous vents, où les gens entraient par devant, par derrière, voire toquaient à la fenêtre quand je ne répondais pas assez vite. Régulièrement Sherpapa m’appelait pour me dire de bien fermer à clé entre chaque patient mais j’avoue que je n’ai pas toujours fermé, surtout lorsqu’enceinte les allées et venues jusqu’aux portes me paraissaient insurmontables. Est-ce que j’ai eu de la chance? En cinq ans, on a seulement crevé un pneu de ma voiture, très probablement un patient mécontent.

Jaddo a été braquée!

Dire que c’est dégueulasse est une banalité. Ce n’est pas plus dégueulasse quand ça arrive à un médecin de ville plutôt qu’à un urgentiste, un boulanger ou à une guichetière de la Société Générale. Ce n’est pas plus dégueulasse quand ça arrive à une jeune femme « sans défense » plutôt qu’à un vigile haltérophile. C’est peut-être un lieu commun mais c’est dégueulasse, c’est tout.

Et on ne peut rien y faire.