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samedi 23 avril 2011

Desperate househusband

CSSS Lac-Saint-Jean Est

Avec tous ces états d’âmes, j’ai oublié de vous dire l’essentiel : je ne suis plus une mère au foyer désespérée, et ce depuis le 11 avril.

Adieu couches, bavoirs et purées carotte-brocoli, c’est le grand retour de la Mère indigne au travail. Parce que oui, j’avoue, sans rougir du front, des joues ni même d’insignifiants lobes d’oreille, j’ai pris gaiement le chemin du Centre de Santé et de Services Sociaux du Lac-Saint-Jean Est, abandonnant un bébé non sevré à ce pauvre Sherpapa.

À ma décharge, ce n’est vraiment pas ma faute, j’ai eu beau essayer d’introduire le biberon, la tasse, la cuiller, le lait maternel tiré, trois marques différentes de lait, deux sortes de tétines… L’Héritier est définitivement un Breton à la caboche en béton armé, du genre à se laisser périr d’inanition plutôt que renoncer à sa tétée. Heureusement, les légumes passent bien, me voilà rassurée.

J’en étais donc à… je retourne travailler ou plutôt je commence mon stage d’adaptation évaluative, expression collègedesmédecinsduquébequement correcte pour stage de vérification de non-dangerosité d’un maudit français qui ne connaît pas l’acetaminophen mais seulement le paracétamol. Pour les non-initiés, on parle strictement de la même molécule, le para-acetylaminophenol. On ne sait pas bien pourquoi les États-Unis, le Canada, le Japon, la Corée du Sud, Hong-Kong et l’Iran ont choisi comme nom générique la fin de la dénomination tandis que le reste du monde a préféré le début, ni pourquoi les uns s’imaginent avoir plus raison que les autres m’enfin je dis ça je dis rien.

Cessons-là toute considération oiseuse, évaluation, adaptation, à vrai dire je m’en moque un peu, je suis là pour exercer la médecine et intégrer les subtilités de la pratique québécoise. N’oublions pas l’objectif ultime, un chapeau de cow-boy et les bottes idoines pour chacun des membres du troupeau, à la date du 9 septembre 2011.

Bref, depuis deux semaines je jubile. J’exulte. Pour un peu mon âme exalterait le Seigneur. Avant de faire fuir les hérétiques agnostiques confirmés, les athées convaincus et les autres, je tiens à placer ici un avertissement : toute référence biblico-catholico-mystique est non-fortuite et purement volontaire mais ne m’engage en rien en ce qui concerne mes convictions religieuses. C’est ce qu’on appelle emphase, hyperbole ou encore ironie. Une figure de style quoi.

J’aurai l’occasion de m’étendre plus à loisir sur les qualités de mes collègues et du milieu de pratique, laissez-moi juste le temps de savourer mes douze patients maximum par jour. J’ai bien dit douze. Parce que figurez-vous, anciens internes des hôpitaux de France et de Navarre, que au Québec, les résidents de médecine générale et les médecins étrangers ne sont pas là pour faire tourner le service, ou les urgences, ou l’hôpital, ou le cabinet du maître de stage. Dingue, hein ? Je suis juste… jalouse.

Et Sherpapa me direz-vous ? Son stage ?

Avant de fêter dignement sa réussite, nous attendons le petit papier officiel du Comité d’admission à l’exercice du Collège des médecins. Vous comprendrez bien qu’avec toutes ces démarches administratives nous sommes devenus prudents, qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, tout ça tout ça, mais promis, nous vous tiendrons informés.

Quant à sa survie au sein de l’enfer domestique  du foyer… Je lui transmettrai vos messages de soutien enfin... une fois qu'il aura fini le ménage, la lessive, le repassage, la cuisine, les bains des enfants, les carreaux et les commissions!

mercredi 20 avril 2011

Droit de réponse sous X

Ne pas tout confondre.

Les au revoirs n’ont pas un goût d’amertume et d’échec, contrairement aux adieux. Crois-en mon expérience de championne olympique toute catégorie de relation à distance.

Je regrette quelques adieux, mais je n’ai jamais regretté un seul au revoir.

Un au revoir ça a un goût d’érable et de vivement décembre (et joie à l’idée d’avoir moi aussi un besoin réel _ et non une envie purement consumériste _ de bottes fourrées aux poils de Chewbacca), parfois un goût de Pleine Lune, parfois un goût de sel et de margarita et de vivement l’été, parfois un goût de plat improbable à base de légumes bio et à l’occasion de bœuf au pipi. Bref un goût d’anticipation.

Petite parenthèse.
Bon parfois un au revoir c’est un peu plus amer…

Mais même là, tout dépend de quel côté de l’écran on se place (et là j’anticipe sur 2012 ?).
Fermons la parenthèse.

En attendant de se revoir donc, rendons grâce à Ahti Heinla, Priit Kasesale, Jaan Tallinn, Niklas Zennström et Janus Friis !!!

Au cas où d’affreux doutes t’assailliraient à nouveau, je te l’écris une fois pour toutes (libre à toi de l’imprimer pour le coller sur le côté intérieur d’une porte de placard de salle de bains) ; tu es au Québec pour :
-   Trouver un environnement professionnel plus épanouissant. Parce que bon, l’installation forcée à Montluçon ou à Villemomble… Ou l’installation à Villeneuve-la-Garenne avec participation à l’enseignement de Médecine Générale à la faculté de Bichat, en suivant rigoureusement les préceptes établis par le « corps professoral du DMG »… Bref.
-   Pouvoir acheter une maison où ranger 5 machines à coudre sans devoir t’exiler à Montluçon.
-   Et donc pour t’épanouir personnellement sur un tas de plans.
-   Ah et aussi fournir un pied-à-terre accueillant ouvert 365 jours par an à tes amis désireux de profiter du plus grand festival western du monde (voire de l’univers).
-   Et enfin parce que le Québec c’est bien, mais ça j’y reviendrai plus tard.

Personnellement, je pense qu’un spa avec piscine et sauna ne serait pas du luxe.

Souchon a besoin d’une sismothérapie. Ou au moins d’un antidépresseur, d’un tas de benzos et peut-être d’un peu d’herbe.

On avance on avance on avance
En laissant un tas de trucs derrière nous on avance
Mais il y a plein de choses à découvrir devant quand on y pense.
Alors, avance (Câlice de char !)

Forte de mon expérience québécoise de 10 jours, voici les multiples raisons qui font du Québec un pays tout à fait acceptable, voire charmant.

Le Québec c’est plein d’eau et de forêts. On peut donc y avoir une jolie maison rouge avec vue sur la forêt d’un côté et vue sur son propre hydravion qui tangue mollement sur les rives de son propre lac de l’autre. L’hiver, lorsque le lac gèle, on peut remplacer l’hydravion par une moto-neige. Et on peut probablement rendre visite à ses voisins en patins.

Au Québec il y a vraiment 4 saisons. Il se trouve juste que cette année il y a 2 hivers d’affilée, mais le chauffeur de taxi m’a promis que l’été et l’automne existaient aussi. Contrairement à Paris où c’est plutôt gris/gris/2 cm de neige traités en tempête du siècle/printemps pendant une semaine youpi !/gris/canicule.

Au Québec tout le monde est au moins bilingue (mais parfois incognito).

Au Québec les gens sont vraiment sympas, ouverts, accueillants et gentils. Dans la rue, les restaurants, les allées de l’IGA, au poste-frontière de l’aéroport de Montréal*, les taxis (je remercie vivement le taxi quinquagénaire québécois d’avoir partagé avec moi sa dernière rupture sentimentale !), les salles communales où l’on pratique le step et à la Poste**.

C’est peut-être tout cet air frais, la douceur du sirop d’érable ou la tendresse des beef-steaks… mais c’est un constat général.

D’ailleurs, bien que déjà charmants et accueillants à Montmorency, mes hôtes anciennement franciliens, québécois en devenir, ont été formidables.
L’Héritier n’a jamais vomi sur mes vêtements.
Bébé Hulke a accepté de partager sa nourriture avec moi.
Fille Aînée trouvait amusant de faire mon lit.
Sherpapa m’a accompagné acheter des baskets pour faire du step, et avec le sourire.
Et c’est avec le même sourire bienveillant que Shermama (?) m’a accompagné acheter une attelle le lendemain.

Au Québec on mange bien. Y compris du fromage.

Au Québec, on peut acheter des Manolo et des Stuart Weitzman.
Et des Lucky Charms.

Bref, si l’on fait abstraction de l’absence d’architecture gothique, de saucisson à l’ail, de petits cornichons, de yaourts nature et d’une médicalisation du pré-hospitalier, le Québec est complètement recommandable.

En conclusion***

Excipit
Ce post restera anonyme _ en effet je n’aimerais pas me faire refouler pour transport illégal de 250g de beurre demi-sel en avril, lors de mon prochain passage à l’aéroport Jean Lesage ! Le foie gras ça passe du moment qu’il est en conserve et avec une date de péremption éloignée.

*De retour à Paris-Charles de Gaulle, le gentil policier après examen attentif de mon passeport m’a demandé où je comptais aller et pourquoi. Je précise que j’ai un passeport français et une adresse francilienne.
**J’ai vécu une expérience incroyable à la Poste principale de la vieille ville de Québec où il n’y avait PAS DE QUEUE et le postier avait le sourire !
***référence acquise à cause de ma prof de musique de 4ème. Je lui tiens quelques autres griefs.

mardi 19 avril 2011

Tailler ma route


La semaine dernière j’ai hébergé un délinquant en fuite.

Pas le genre tueur en série en cavale, plutôt le genre jeune fille éduquée par les religieuses qui n’hésite pas à passer du foie gras en fraude au nez et à la barbe de douaniers canadiens. Et du beurre au sel de Guérande pour Sherpapa. Et du thé Mariage Frères et une tonne de macarons Ladurée rien que pour moi. Soyons francs, la gastronomie québécoise n’est pas si pire et on peut très bien survivre sans apport massif de graisses animales franco-françaises, il n’empêche que j’ai apprécié la délicate attention à sa juste valeur… et à hauteur du risque encouru par la contrebandière.

La semaine dernière j’ai hébergé une amie en visite.

Pas le genre qui s’incruste dans votre chalet à Val d’Isère ou votre paillote à Moorea, vide le ballon d’eau chaude et les bonnes bouteilles, plutôt le genre à vous concocter des bons petits plats sans laisser traîner de chaussettes sales dans le salon et à braver le printemps froidureux-pluvieux-boueux-neigeuxfondu d’Alma, car même si on est ardent adepte de la méthode Coué l’hiver québécois j’adore trop surtout au Lac-Saint-Jean, il faut bien avouer que le mois d’avril est… pourri.

La semaine dernière j’ai dit au revoir à mon amie.

Pas le genre faut-il nous quitter sans espoir ce n’est qu’un au revoir mes frères, plutôt le genre je reviens en décembre prochain pour goûter avec vous le vrai hiver canadien. N’empêche, j’ai toujours trouvé moche de dire au revoir, ça a un goût d’amertume et d’échec. J’ai beaucoup dit au revoir ces derniers temps, sûrement trop vite, sûrement trop mal… c’était peut-être l’au revoir de trop.

Alors hier, l’espace de quelques secondes, je me suis demandé ce que je faisais ici au Québec.

Pas le genre remords majeurs ou regrets massifs, plutôt le genre épiphanie labile et transitoire, révélation à retardement de ce qu’on a laissé derrière nous

Tous ces petits moments magiques de notre existence
Qu’on met dans des sacs plastiques et puis qu’on balance
Tout ce gaspi de nos cœurs qui battent
Tous ces morceaux de nous qui partent
Y en avait plein le réservoir au départ

On avance, on avance, on avance
C’est une évidence, on n’a pas assez d’essence
Pour faire la route dans l’autre sens, on avance

On avance, on avance, on avance
Tu vois pas tout ce qu’on dépense, on avance
Faut pas qu’on réfléchisse ni qu’on pense
Il faut qu’on avance.

Finalement c’est Souchon qui a raison.

Enfin peut-être.

Du moins je crois?

mardi 5 avril 2011

Confession


Depuis quelques jours je me crois en France…

Rien à voir avec l’arrivée du printemps : il tarde un peu à venir au Lac Saint-Jean alors qu’il paraît qu’il est précoce et tropical à Paris cette année.

Rien à voir avec le fait qu’on a trouvé une fromagerie plus que bien achalandée et que vraiment, vraiment, j’ai un gros faible pour le lait coagulé égoutté fermenté affiné cru de préférence et que mine de rien les cousins québécois savent y faire.

Rien à voir avec le fait que pour accompagner le fromage on a déniché une baguette très très délicieuse, bien au-dessus des standards actuels français.

Rien à voir non plus avec le divin jus de la treille ou toute autre Appellation Lyrique Incontrôlée.

Je tiens d’ailleurs à préciser que je ne suis pas du tout obsédée par la nourriture ou la boisson, quoique un petit colis humanitaire à base de charcuterie et de fromage de pays serait le bienvenu, à bon entendeur...  

C’est juste qu’est venu le temps du sacrifice annuel à cette vénérable institution française qu’est le criss d’ostie de tabarnak de câlisse de sacrament de fisc. Ne riez pas. Ce que je viens d’écrire est excessivement ordurier et je m'en vais d’ailleurs désinfecter mon clavier sept fois au savon de Marseille pour la peine.

Attention, entendons-nous bien, lorsque j’utilise le terme de sacrifice, je ne parle pas du fait de se faire racketter rançonner dépouiller déposséder dévaliser écorcher égorger contribuer par le règlement d’impôts et de cotisations sociales justes et mesurés au fonctionnement efficace et rayonnant des services indispensables à la vie de notre glorieuse société. Je parle simplement de ma déclaration.

L’avantage d’avoir épousé l’homme idéal est que je peux refiler la corvée à Sherpapa. Il râle un peu pour la forme, mais après tout, c’est écrit dans la loi, chacun contribue au ménage selon ses facultés. Je le nourris contrairement à une rumeur familiale persistante qui veut que depuis huit ans je contrôle strictement ses apports alimentaires alors que j’ai juste dit non aux trois kilos de beurre salé hebdomadaires quoi c’est pas ma faute si je suis Breton fais un bilan lipidique d’abord on verra après, en contrepartie il fait ma paperasse.

Et bien sûr je le supporte, je l’encourage, je le félicite, je le loue et l’encense… tout au long de sa performance comptable. Alors quoi ?

Je concède que j’ai une sainte horreur de faire ma déclaration de revenus non commerciaux et assimilés sous le régime de la déclaration contrôlée. Trop de cases, trop de chiffres qui ne tombent pas juste à la fin, trop de raisons enfin de me sentir très bête alors que j’ai la prétention de croire qu’avec mes vingt-trois ans d’études j’ai un niveau plus que raisonnable en algèbre ainsi qu’un vocabulaire plutôt soutenu qui devraient logiquement me mettre à la portée d’un registre des immobilisations et des acquisitions…

Je reconnais que la simple idée de me pencher sur un imprimé mauve de la direction générale des impôts me file un urticaire carabiné doublé d’une violente tachycardie triplé d’incoercibles nausées quadruplé d’une irrépressible hyperventilation…

J’admets qu’une exploration de mes vies antérieures en hypnose montrerait une longue série d’erreurs administratives qui expliquerait sans aucun doute ce sentiment de persécution vis à vis de toute instance officielle et  permettrait de liquider mes émotions négatives.

J’avoue que cette angoisse irraisonnée trouverait facilement sa solution dans une thérapie cognitivo-comportementale du genre tenir sa comptabilité à jour au lieu de s’affoler le 31 mars 23h54.  C’est d’ailleurs ce que je me dis tous les ans.

Sauf que cette année, du fait de la cessation de mon activité libérale professionnelle en février il faut que j’en fasse deux.

Sherpapa, au secours !

Le jour où je couperai le cordon fiscal d’avec la France, je promets de l’enterrer au pied d’un érable. Et toc.