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mercredi 25 mai 2011

Magnolia for ever


Le post est antidaté exprès, c’est pour une meilleure compréhension, et par souci de réalisme en fait c’est juste pour que tout le monde se rappelle bien que mon anniversaire tombe le 25 mai et puis c’est tout. 

Le printemps est là ! A mi-chemin entre Brel et Fugain, vous savez bien, le miracle, le dernier qui s’offre encore à nous sans avoir à l’appeler, la première chance de l’année, le joli lilas, les rires en éclat, tout ça…

Oui bon je sais, ça fait au moins trois mois qu’il est déjà passé par la France. Raison de plus pour le savourer.

Les magnolias c’est plutôt Claude François, je sais aussi, mais Claude François c’est plus fort que moi, je ne peux pas le supporter, tandis que les magnolias, j’adore.

À dire vrai, je ne suis pas très douée en végétaux, la plus increvable des mauvaises herbes a toutes les chances de décéder des suites de négligence. Je dirais même qu’en dépit de quatorze ans de scoutisme, l’observation de la nature, ce n’est pas du tout mon truc, comment dire, je manque un peu de temps, voyez ? Heureusement pour mes patients je soigne mieux les gens. Tout ça pour dire que les arbres en fleur, chaque année ça m’émerveille.

Attention, j’ai dit les arbres, pas les jardinières de primevères ou de géraniums ; je crois que j’aime encore moins les géraniums que Claude François. Les tulipes ça passe à la rigueur. Mais c’est vraiment les arbres que je préfère, avec un gros faible pour les lilas… et les magnolias. Au point de piler quand j’en vois un.

C'est un peu touffu mais vous allez comprendre.

Par une très belle longue fin de semaine, le lundi étant férié pour cause de Journée des Patriotes au Québec et Journée de la Reine ailleurs, il est important de bien saisir la nuance, Sherpapa, notre progéniture et moi-même avions décidé de joindre l’utile à l’agréable : socialiser un peu beaucoup passionnément et commencer la recherche de notre futur foyer à Trois-Rivières.

Le vendredi soir, nous avons inauguré en bonne compagnie la belle terrasse sur le Lac et les premiers maringouins de l’année. J’avais oublié de dire que le troupeau avait transhumé le premier mai vers Saint-Henri de Taillon pour deux mois, dans un petit chalet juste au bord du lac Saint-Jean. Comme quoi la légende urbaine québécoise qui veut que les médecins étrangers finissent comme taxi n'est pas dénuée de fondement...Sherpapa s'est reconverti en chauffeur de maître entre la maison, l'école et l'hôpital.

Bref le vendredi nous fêtâmes nos respectifs vingt-deux et vingt-trois printemps (l’anniversaire de Sherpapa tombe en effet le 14 mai). Comment ça, vu notre haut niveau d’études et l’empressement tout relatif à les achever ça n’est pas crédible ? On m’appelle encore mademoiselle, même avec une tripotée de gamins braillards accrochés à mes jupes, si ça ce n’est pas une preuve ! Bon d’accord au Québec où seulement 54,5% des couples sont mariés contre 68,6% pour l’ensemble du Canada (source recensement 2006) ça ne vaut pas tripette, mais on se console comme on peut.

Posons le problème différemment : le vendredi, nous avons soufflé 124 bougies à quatre ; les deux autres étant Marie-Ève, une résidente de médecine de famille effectuant sa résidence à Alma et son chum. Sachant que Marie-Ève et Jean-François ont cinq ans d’écart, Sherpapa et moi-même seulement trois et que Marie-Ève coiffera Sainte-Catherine l’automne prochain, qui saura me dire… l’âge du capitaine ?

124 bougies sur seulement deux gâteaux, c’est le fun à allumer et à éteindre… Il faut juste pouvoir digérer le glaçage à la paraffine…

Le samedi, nous avons quitté le Lac en direction de Neuville, au sud de Québec, prévoyant de passer la soirée et la nuit chez notre bonne fée de Saint-Tite, histoire de signer quelques derniers papiers, débriefer les stages, rêver à leur prochain voyage en Europe du Sud _Ai, que lindeza tamanha, meu chão, meu monte, meu vale, de folhas, flores, frutas de oùro, vê se vês terras de Espanha, areias de Portugal, olhar ceguinho de choro_ goûter chère préparée et vins choisis avec amour.

Que la honte soit sur nous et notre descendance jusqu'à au moins la quatorzième génération ; alors que Bonne Fée et son Prince Charmant sont des hôtes parfaits, nous avons failli les remercier de leur accueil délicieux en s'enfuyant au petit jour avec le matelas queen-size de la chambre d'amis sur la galerie de la voiture. À notre décharge, cinq mois à dormir à trois _je suis contre le cododotage, contre, tout contre, c'est juste que mon fils ne l'a pas encore compris dans un tout petit lit double de 54 pouces de large alors que je dors en étoile de mer et que Sherpapa a arrêté de fumer et vécu une grossesse nerveuse coup sur coup_ ont eu raison de nos dos et de nos complexes.

Le dimanche à l’aube 7h30 9h15 10h11 z’avez vu on progresse, nous arrivions à Trois-Rivières, carte de la municipalité, liste d’annonces repérées sur le net et téléphone portable en main, prêts à dénicher notre future cabane au Canada. À 12h13, toutes les annonces éliminées, ne restait plus qu’à sillonner la ville, quartier par quartier, à la recherche de pancartes rouges à louer.

Seulement voilà, comme un peu partout dans le monde, les jolis quartiers à belles grandes maisons regorgeaient d’annonces à vendre et non à louer, tandis que les locations de minuscules 3 ½ et 4 ½ et pas plus grand (comprendre deux ou trois pièces en parisien) pullulaient dans les immeubles délabrés.

Les jolis quartiers étaient vraiment très jolis, et les belles grandes maisons vraiment belles et grandes, aussi Sherpapa avait nettement tendance à se perdre par-là. Un peu rabat-joie, je me suis permis de glisser qu’il nous fallait d’abord mettre en vente dans une non moins agréable banlieue arborée et au patrimoine historique reconnu un appartement de 80m2 très lumineux deux chambres dont une avec vue sur la Tour Eiffel grande cuisine salon garage sous-sol dans copropriété sympathique avec un beau jardin commun. Pas cher. Enfin au prix du marché immobilier actuel quoi. Parce que j’ai une grande et belle maison à m’acheter moi. Faites passer merci.

Donc à 19h, nous nous en retournions vers le centre-ville pour prendre un repos bien mérité et reprendre nos recherches le lendemain, en longeant la rivière Saint-Maurice, encore un très joli quartier plein de maisons à vendre, histoire de se faire du mal… lorsque je l’ai vu, un magnolia en fleur. Mon premier magnolia québécois !

Là j’avoue, j’ai glapi un peu. D’habitude je freine brusquement puis je bée, mais ce jour-là je n’étais pas au volant. D’effroi _mon glapissement fait toujours ça quand on ne s’y attend pas_ Sherpapa a pilé. Et devinez quoi, la maison en face du magnolia était à louer. Mieux encore, le propriétaire était absent mais au bout de son téléphone. Paroxysme de l’à-propos, un voisin s’est fait un plaisir de nous faire visiter. La distribution, le volume et la luminosité des pièces nous ont charmé, le jardin et l’appontement sur la Saint-Maurice nous ont fait craquer, la salle familiale-chambre d’ami nous a emballé, la chambre de maître avec l’espace  suffisant pour mettre un lit king-size a emporté la décision.

Nous avons signé le bail le lendemain 10h. Pas de caution, pas de fiche de salaire, pas de justificatifs ici pour louer un logement, ou alors c’est juste parce qu’on est beaux et qu’on a dit qu’on était docteurs.

Un petit coucou au passage à notre futur collègue et sa blonde à Shawinigan et c’était déjà l’heure de rentrer. C’est ça le problème avec le lac Saint-Jean : c’est beau mais c’est loin avec toujours en filigrane l'obligation de la laborieuse traversée du parc des Laurentides, numéro 511 précomposé, en cas d’intrusion de grosse bestiole…

Comme les petits bonheurs n’arrivent jamais seuls, j’ai vu ce soir-là mon premier orignal québécois, derrière une barrière de sécurité heureusement. Et vous savez quoi, à le voir marcher, grand, nonchalant, majestueux tel mon Sherpapa je l’ai trouvé presqu’aussi beau qu’un magnolia en fleur.

mercredi 18 mai 2011

Rapport de stage (1)


Dans mon pire cauchemar, je rêve que je dois repasser mon bac.

Ils, obscures entités, monstrueux amalgames de contrôleur URSSAF, de prof d’allemand et d’examinateur au permis de conduire, viennent de constater après des vérifications kafkaïennes qu’il me manque environ un quart de dixième de point quelque part, et que pour garder le bénéfice de mon diplôme et de mes longues études universitaires, je dois refaire une année de terminale.

Je n’ai jamais prétendu que c’était un cauchemar réaliste ; dans le genre absurde il se pose là.

Parce qu’enfin nul ne peut ignorer que j’ai brillamment réussi mon bachot du moins je crois c’est tellement loin de toute façon c’est ce que je soutiendrai même sous la torture jusqu’à ce que tous mes enfants aient terminé leur scolarité et même après.

Bref, je me retrouve dans les salles de classe en préfabriqué d’un lycée de banlieue… avec une bande de boutonneux  décérébrés joyeux adolescents qui n’ont que la moitié de mon âge, à suivre des cours sur les fonctions trigonométriques, la diffraction de la lumière par une fente et la phylogénie des vertébrés… Et je ne parviens jamais au jour des résultats !

Ce qui est curieux, c’est que je ne rêve jamais que je dois réécrire ma thèse ou repasser le concours de première année de médecine. On est en droit de se demander ce que l’ami Sigmund en penserait. Rêverai-je un jour de mon stage à l’Unité de Médecine Familiale d’Alma ?

L'évaluation du candidat au permis d'exercice québécois en médecine de famille se fait sur trois critères ; le suivi de patients, l'urgence et l'hospitalisation, tout simplement parce que la plupart des omnipraticiens sont ubiquitaires et suivent leurs patients de la ville à l'hôpital et inversement.

Le suivi de patients c’est tout bêtement la consultation classique en cabinet. On m’a fait confiance, on m’a épargné la supervision directe. Pour les néophytes c’est l’observation du déroulement de la consultation à travers un miroir sans tain par un médecin superviseur. Je vous laisse imaginer l'ambiance.

Dans un premier temps, je me suis trouvée plutôt gâtée : au lieu du quart d’heure stakhanoviste du généraliste français moyen, j’avais droit à trente minutes par patient. Trente minutes pour retracer les antécédents, traitements et facteurs de risque, l’histoire de la maladie actuelle, examiner, en tirer des impressions diagnostiques et tous les diagnostics différentiels même les plus improbables (comme Gregory House et sa bande d’internes torturés, oui, oui), proposer une conduite à tenir comprenant l’élimination de ces diagnostics, écrire deux pages de notes, en référer au superviseur et conclure la consultation… Finalement trente minutes c’est plutôt court.

Diriez-vous que le Français est meilleur que le Québécois parce qu’il est capable de voir plus de patients à l’heure ? Diriez vous que le Québécois fait une consultation de meilleure qualité que le Français parce qu’il prend plus de temps ?

On pourrait nuancer par le fait qu’il existe des médecins québécois qui remplissent leur agenda tous les quarts d’heure, ainsi que des médecins français qui prennent le temps de remplir correctement un dossier, pas seulement par crainte des poursuites mais dans le souci d'une meilleure prise en charge.

Moi j’ai déjà choisi mon camp.

Mon camp n’a pas d’accent ni de drapeau.

Mon camp n’est pas celui de la médecine dévouée ou encore sacerdotale, n’en déplaise aux hypocrites qui usent et abusent de leurs RTT et de leurs congés enfant malade et qui voudraient que la médecine soit le seul secteur public à fonctionner 365 jours par an, 7 jours sur 7, 24h sur 24… ce qui est déjà le cas. Mon camp n’est pas celui de la médecine loisir ou intérêt secondaire du moins tant que Sherpapa n’aura pas gagné à l’Euromillion.

Mon camp n’est pas celui du rendement en terme d’offre de soins, non plus qu’en terme de recette et de bénéfice non commercial. Mon camp n’est pas non plus celui du désintéressement et du bénévolat. J’avoue sans rougir qu’en période de pré-burn-out, je tiens le coup en convertissant le montant de la consultation en unité-chaussure, je recommande d’ailleurs, c’est très efficace.

Mon camp est celui de la gratification intellectuelle purement égoïste. J’aime le travail bien fait. Ça tombe plutôt bien, je crois que mes patients aussi. J’aime aussi la facilité. Il me semble bien qu’il sera plus facile de rester dans mon camp de ce côté-ci de l’Atlantique. Excès d’enthousiasme peut-être ?

jeudi 5 mai 2011

Billet doux



Docteur,

Nous avons le plaisir de vous informer que le Comité d’admission à l’exercice du Collège des médecins du Québec, lors de sa réunion du 28 avril 2011, a résolu de vous délivrer un permis selon l’article 35 de la Loi médicale en vertu de l’Arrangement de reconnaissance mutuelle (Entente Québec-France) qui vous donne le droit de poser des actes professionnels relatifs à la pratique de la médecine de famille exclusivement en établissement. 

Et de un !

Que dire de plus ?

Ah si… Mon doudou c’est le plus fort.

Champagne!!!