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lundi 20 juin 2011

Immigration cours 203



Dans les épisodes précédents, tel Astérix dans les Douze Travaux, Sherpapa partait à la conquête de son formulaire A38 permis temporaire de travail. Au terme d’un suspense insoutenable, il pensait détenir la solution, à savoir se rendre en personne à un point d’entrée du Canada. 

Nous partîmes donc de bon matin. Si si, c’est presque vrai, puisque nous étions en vue de la frontière américaine à 17h45, soit un net progrès par rapport à notre première équipée. Il faut dire qu’on commence à bien connaître la route de la réserve faunique des Laurentides, encore un voyage et nous finirons par maîtriser l’emplacement de chaque rocher et la cachette de chaque orignal.

Cela dit, la traversée est de plus en plus belle. Le printemps s’était solidement installé, nous roulions donc à travers une débauche de bleu _les petits lacs enfin tous dégelés et reflétant le ciel à qui mieux mieux_ et de vert _occasion unique pour apprendre à Sherpapa aux enfants la différence entre un feuillu et un conifère.

Et là je voudrais jeter à bas un mythe. Oui les douaniers américains sont taciturnes et rébarbatifs, vraiment pas le genre à vous décorer d’un collier de fleurs au passage. Par contre on est loin du cliché gros malabar aux cheveux ras et à la bedaine maltée. Comment dire… c’est la deuxième fois qu’on tombait sur une Miss Monde !

Silhouette d’aérobiqueuse, brushing et maquillage de soirée des Oscars, à peine moins jolie que Aishwarya Rai après usage intensif de Photoshop… à se demander si l’administration américaine recrutait sur casting… Parce que les rares gars à côté avaient l’air de sortir d’un mauvais épisode des Simpsons.

Notre passage côté américain dura à peine le temps de prononcer les mots We want to immigrate to Canada, ce qui, avec notre accent français et un peu du Lac, n’est pas aussi bref que ça en a l’air. Une marche arrière et un demi-tour plus tard, nous nous présentions à la guérite canadienne, derrière une bande de motards virils nettement moins bien astiqués que les chromes de leur Harley.

Un petit dialogue à la comtesse de Ségur, un !


La DOUANIÈRE
Sursautant à la lecture des passeports
Vous auriez du quitter le territoire le 10 avril, monsieur.

SHERPAPA
la voix tremblante
Mais je suis visiteur sur le permis temporaire de ma femme !

LA DOUANIÈRE
Fronçant les sourcils
Vous auriez dû quand même quitter le Canada le 10 avril et faire tamponner votre fiche à ce moment-là.

SHERPAPA
Ouvrant de grands yeux innocents
Mais l’espèce de c… agente qui était là ne nous l’a pas dit ! Et c’est grave, si ma fiche n’est pas validée ?

BÉBÉ HULKE
D’une douce voix évoquant un cor de chasse le jour de la Saint-Hubert
Maman-euh? Pourquoi c’est encore une dame qui travaille ? Maman-euh, pourquoi c’est que des dames qui travaillent ici ?

LA DOUANIÈRE
Retenant un sourire
Disons que vous vous trouvez dans la zone grise, monsieur…

SHERPAPA
Battant des cils
Et c’est grave ?

L’HÉRITIER
Postillonnant, bavant et agitant les bras et les jambes en rythme
Aaaaaahprrrfffffftttt !

FILLE AÎNÉE
D’un long et plaintif gémissement évoquant une corne de brume sur le Saint-Laurent
Maaaamaaaaan, il m’a craché dessus !

BÉBÉ HULKE
D’un long et plaintif gémissement évoquant deux cornes de brume sur le Saint-Laurent
Maman-euh, quand est-ce qu’on mange ?

LA DOUANIERE
Morte de rire
C’est la zone grise, monsieur. De toutes façons vous venez demander un nouveau permis, l’agent d’immigration vous expliquera.


Un peu penauds, nous sommes allés garer la voiture devant le bureau d’immigration et avons envahi les lieux. L’agente (encore une !) fronça elle aussi les sourcils devant la fiche visiteur non-tamponnée. Un peu brusque, elle nous écouta 30 secondes, exhala un gros soupir, saisit les documents et nous a fit asseoir le temps de démêler tout ça.

Son expression, je la reconnaissais. Je dois avoir la même à peu de chose près, quand un patient que je vois pour la première fois vient avec un motif de consultation nébuleux et un formulaire d’invalidité-assurance-cotorep-cpam-csst-saaq-demande de prolongation de séjour irrégulier pour cause d’affection médicale genre onychomycose-demande de logement social démoisissurisé-déplombisé-désamianté pour cause de nez qui coule jamais mouché non moins nébuleux…

Mais bon, je ne les ai jamais envoyé bouler ces patients-là. Juste retour des choses ? Bien que manifestement excédée, l’agente nous rappela, demanda notre spécialité et se fendit d’un éclatant sourire. C’est que voyez-vous, ici au Québec, les gens aiment les médecins de famille : ils s’en tapent des cardiologues, ils s’en cognent des dermatologues, ils s’en carrent des rhumatologues, ils s’en tamponnent des gastro-entérologues… Et que voulez-vous, nous on aime qu’on nous aime.

Nous repartîmes avec :
- trois fiches visiteur d'une durée de trois ans pour les enfants,
- un permis de travail temporaire d'une durée de deux ans pour Sherpapa (corrélé à la validité de son passeport... il est toujours à côté de la plaque avec son passeport, je vous raconterai un jour comment il comptait partir en voyage de noces avec pour tout document une carte nationale d'identité périmée.),
un permis de travail ouvert d’une durée de trois ans pour moi.

Elle nous fit par ailleurs promettre de rester pour toujours et de demander sans tarder la résidence permanente. La larme à l’œil, elle nous aurait presque fait la bise en partant !

Non sans mal, nous sûmes conserver notre dignité jusqu’à la voiture et démarrer pour nous laisser aller à maints transports de joie… et de soulagement. On dut nous entendre glapir jusqu’aux États-Unis.

Mais en clair, ça veut dire quoi ?

Premièrement, ça signifie que Sherpapa est en règle avec le Collège des Médecins, l’administration provinciale et l’administration fédérale, bref, que les patients de Saint-Tite n’ont qu’à bien se tenir.

Deuxièmement, ça veut dire qu’en tant que conjointe d’un travailleur de catégorie A, je n’aurai pas besoin de Certificat d’acceptation du Québec ni d’offre d’emploi. C’est notre Bonne Fée qui va être contente. Mais du coup, j’ai le droit d’aller travailler où je veux.

Bonne Fée si tu m’entends, il me semble bien que par conséquent le plus beau bureau me revient !

dimanche 19 juin 2011

Immigration cours 202



Dans l’épisode précédent, grâce à l’intervention de la Bonne Fée de Saint-Tite, Sherpapa avait obtenu des papiers importants en un temps record, ce qui le surprenait agréablement. Trop facile peut-être ?

En octobre dernier, il avait suffi de vingt minutes pour le dépôt du dossier à l’ambassade du Canada à Paris, d’une visite médicale avec radio des poumons, analyses sanguines et urinaires et trois semaines de délai pour l’étude du dossier. La visite médicale était demandée car nous allions travailler dans le milieu de la santé. Sans cette contrainte, il aurait été possible d’obtenir le visa sur place, le jour même. C'est donc plutôt confiants que nous visitâmes le site internet de Citoyenneté Immigration Canada.

Une demande de permis temporaire doit se faire à partir du pays d’origine.

Ah.

Très légèrement angoissés, nous avons lu les petites lignes.

Si vous ou votre conjoint êtes détenteurs d’un permis temporaire de travail, vous pouvez faire la demande à partir du Canada, par voie postale ou en ligne.

Soupir de soulagement.

Le site étant bien fait, il offre la possibilité de consulter les délais moyens en fonction du type de demande, renouvellement ou prorogation, de l’employeur, nouveau ou identique. Pour Sherpapa, il s’agissait d’un nouveau permis avec un nouvel employeur. Les délais étaient de 45 jours ouvrés par voie postale, de 55 par voie électronique. Ce qui en comptant les jours fériés nous amenait à mi-août pour la voie postale et début septembre pour la voie électronique. À condition de ne pas avoir de nouvelle visite médicale à passer, ce qui aurait allongé le délai de façon indéterminée.

J’avoue, nous fûmes en proie à la plus abjecte panique : disons que l’absence de revenus depuis six mois pour Sherpapa, onze mois pour moi, le premier versement de salaire intervenant seulement 45 jours après le début d’activité et la perspective de deux mois de vacances supplémentaires formaient une triade propre à déclencher un spasme coronarien chez n’importe quel athlète de haut niveau. Alors imaginez-nous !

Sherpapa a donc appelé le télécentre de Citoyenneté Immigration Canada pendant que je cherchais fébrilement les vols low-cost pour Paris. Nous ne sommes pas peut-être pas des athlètes, mais nos coronaires ont bien encaissé, imaginez plutôt.

En temps que visiteur il n'avait pas le droit de déposer sa demande en ligne.

Par voie postale, il fallait envoyer le dossier en Alberta… donc rajouter aux 45 jours de délai l’acheminement du courrier.

Il y avait bien une possibilité de déposer le dossier en personne, et éventuellement d’avoir une réponse sous trois jours, à condition de se rendre à l'ambassade du Canada à New-York ne me demandez pas pourquoi, je n’ai toujours pas compris, et de ne pas avoir de visite médicale à repasser (sa validité est en effet de un an), ce qui présupposait que les informations détenues par l’ambassade à Paris étaient consultables au bureau de New-York. Il n’y avait aucun moyen de le savoir à l’avance. Et aucune possibilité de se libérer et faire le voyage avant la fin de mon stage.

Quant aux billets pour Paris au mois de juillet… ils étaient tout simplement hors de prix.

Je nous voyais déjà brouter la pelouse de la jolie maison à Trois-Rivières pendant deux mois pour tenir notre budget lorsque Sherpapa a eu l’idée de relire les petites lignes.

Vous pouvez présenter une demande de permis de travail à votre arrivée au Canada, mais uniquement si vous êtes en mesure de satisfaire aux exigences suivantes :
-   vous êtes originaire d’un pays dont les ressortissants sont dispensés de l’obligation de visa ;
-   vous avez un avis sur le marché du travail de Ressources Humaines et Développement des Compétences Canada.

Voilà qui faisait renaître l’espoir !

Oui, mais la délivrance du permis restait à l’appréciation de l’agent d’immigration.

Nous pouvions très bien comme la dernière fois tomber sur une anglophone psychorigide un agent qui ne veut pas prendre de décision et préfère que le dossier soit étudié pendant 55 putains ou criss de jours au calme, comme décrit ici.

Qui ne tente rien n’a rien, à vaincre sans péril on triomphe sans gloire, ne nous laissons pas étourdir par un repos qui mènerait la paresse et autres encouragements martiaux plus tard, nous décidions de retenter un tour du poteau.

vendredi 17 juin 2011

Immigration cours 201

source : http://www.ctv.ca

Il existe quatre façons d’entrer sur le territoire canadien.

La première est à la portée de tous, avec ou sans visa en fonction du pays d’origine. Malgré leur haut degré de métissage, les membres du troupeau sont tous pourvus d’un passeport français en bonne et due forme, ce qui les dispense d’un visa.  Les touristes peuvent demeurer 6 mois, ils n’ont pas le droit de travailler, ni de bénéficier de l‘assurance maladie.

La deuxième est nettement plus avantageuse, rapide et intéressante sur le plan des prestations, il s’agit du statut de réfugié. Évidemment, ce statut est directement relié à la survenue de catastrophe naturelle grave, genre séisme ou tsunami, car il faut savoir que le statut de réfugié politique est beaucoup plus litigieux et par là-même difficile à obtenir. Inexplicablement l’équivalent de cinq centimètres de neige en Île-de-France en plein mois de décembre ne compte comme catastrophe naturelle qu’en France et seulement en France. D’un commun accord avec nous-mêmes, nous avons décidé de ne pas faire jouer cette carte-là.

La troisième est la voie de la résidence permanente. Cela suppose une demande de Certificat de Sélection du Québec avec un million de justificatifs à fournir, de l’extrait de casier judiciaire aux bulletins scolaires depuis la première année de primaire, puis une demande de résidence permanente auprès de l’autorité fédérale avec le même million de documents à refournir. Le certificat de sélection est attribué en fonction d’un système de points. Grossièrement, un boulanger de 28 ans avec des quadruplés au berceau a beaucoup de points et voit son dossier traité rapidement, tandis qu’un médecin généraliste de 50 ans avec trois adolescents atteint juste la limite. Parce qu’il n’est pas bon d’avoir plus de 40 ans pour émigrer. Et un médecin qui n’a pas encore le droit d’exercer au Québec ne récolte aucun point lié à sa formation.

La quatrième méthode est celle du permis de résidence temporaire. Nous pouvons travailler. En vertu d’accords entre la Sécurité Sociale et la Régie d’Assurance Maladie du Québec nous avons droit à une assurance maladie. Nous ne sommes pas soumis à la loi 101 et pouvons scolariser nos enfants en langue anglaise. En contrepartie nous n’avons pas le droit de vote, y compris dans les assemblées de parents d’élèves.  Mais si un beau jour nous décidons de commencer les démarches en vue de l’obtention de la résidence permanente, nous pourrons nous prévaloir du statut de travailleur qualifié, ce qui est censé accélérer fortement le processus.

Comme chacun sait, le troupeau a une vénération certaine pour les aspects compliqués des choses : un relent de sinon ce serait pas drôle peut-être. Le troupeau a donc choisi la voie de l’immigration des travailleurs temporaires.

Ce qui explique pourquoi bien qu’inscrit au Collège des Médecins et par conséquent titulaire d’un permis d’exercice québécois, Sherpapa n’a pas encore  le droit de travailler. En effet, pour la période du 10 avril  au 10 juillet, je suis le travailleur temporaire, lui n’est que visiteur avec le reste de la famille. Qu’à cela ne tienne, nous allons donc demander un nouveau permis de travail pour Sherpapa.

En quelques jours, quasi d'un coup de baguette magique, la Bonne Fée de Saint-Tite avait obtenu les documents indispensables, à savoir offre d’emploi validée par Ressources Humaines et Développement des Compétences Canada et Certificat d’acceptation du Québec délivré par le ministère d’Immigration et des Communautés culturelles. Le dossier était complet, prêt à être déposé.