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samedi 10 septembre 2011

Chroniques d'un festival_ Épisode 2 : les Journées Mondiales du Cow-boy



Du jour au lendemain, Saint-Tite a changé de visage : cette petite bourgade tranquille est devenue le lieu de pèlerinage de milliers de personnes. Tous les marchands du Temple ont également fait le voyage. Il y a les prévisibles vendeurs de bottes, de ceinturons, de chemises, de chapeaux et de souvenirs divers, les non moins attendues gargotes de toile, les folkloriques apothicaires inventeurs de quelque remède magique... mais aussi les stands improbables de literie, de lingerie, de quincaillerie ou de quelconque marchandise monnayable fabriquée en Chine de préférence.

Ici pas d'homme en blanc dans sa voiture blindée. N'empêche que tous les pénitents, à défaut de bure et de coquille, ont revêtu les insignes de leur foi : bottés, chapeautés, chemise-à-carreautés, les fidèles sont venus témoigner avec ferveur de leur dévotion. À quel dieu? Je serais bien en peine de vous le dire.

Certains, et ils sont loin d'être rares, ont choisi d'adorer Bièrus, mais si, vous savez bien, le cousin de Bacchus, celui a qui l'on fait des libations à base de Molson ou de Coors. Ces disciples-là, en guise de scapulaire, portent une ceinture très spéciale, directement inspirée de la ceinture porte-grenade, sauf qu'elle permet de porter sans les mains une bonne demi-douzaine de canettes. 

Alors avant de se voir frapper d'anathème pour hérésie et impiété par les bons prophètes et missionnaires locaux, le troupeau s'est dépêché de se convertir. Tous insignes religieux dehors (enfin, juste la chemise et le chapeau, les bottes dès la première année, ça aurait fait vraiment trop ex-apichorète), il s'en est allé rejoindre les plus zélés disciples dans ce qu'on peut appeler la chapelle Sixtine du Festival Western, à savoir le salon des Présidents des Grandes Estrades Molson Ex, pour communier dans la célébration du rodéo.

Ouep. 

Telle que vous me lisez, j'ai assisté à un rodéo aujourd'hui. 

Pas de révélation, encore moins d'épiphanie. Je ne vais pas me mettre à chanter les louanges des adeptes de la monte du cheval sauvage ou du taureau. C'est spectaculaire à souhait, surtout lorsqu'on connaît le nom exact des divers traumatismes et séquelles envisageables. C'est aussi un vrai choc culturel pour nous autres Européens (je parle des Européens normaux et bien sous tous rapports qui comme moi n'ont jamais regardé une diffusion d'Intervilles). 

Toutefois, sur le point de m'abandonner entièrement à cette nouvelle religion, un doute m'a assailli : pourquoi parlait-on de sport extrême quand c'est le cheval qui avait une patte cassée?

Finalement je crois que je vais plutôt me convertir au culte de la danse country.



vendredi 9 septembre 2011

Chroniques d'un festival_ Épisode 1 : Les Envahisseurs

 

Les cow-boys : ces êtres étranges venus de l'Ouest lointain.

Leur destination : Saint-Tite, petit village de 3839 âmes.

Leur but : en faire leur univers du 9 au 18 septembre 2011, pour la quarante-quatrième année consécutive.

Je les ai vus.

Pour moi tout a commencé par une belle journée ensoleillée du mois d'août lorsque mon collègue s'est mis à arborer des bottes Boulet au bout carré. Les couloirs habituellement feutrés du Centre Local de Services Communautaires ont aussitôt résonné du clapeticlap caractéristique de la trépointe Goodyear et du cambrion d'acier de ses semelles.

Cela a commencé par des ballots de paille, des tipis, des fausses barrières de bois et des roues de chariot qui sont venus orner les jardinets ordinairement entretenus et tondus au rasoir, et ce dès la fin du mois d'août.

Cela a commencé par des mannequins costumés avec la panoplie complète de bottes, chemise et chapeau western qu'on a installé sur les chaises berçantes des galeries des jolies petites maisons à la façade de bois.

Cela a commencé par des cavaliers en pleine rue la semaine dernière.

Cela a commencé par l'arrivée de milliers d'autos, de motorisées, de roulottes venues des quatre points cardinaux se stationner dans les champs environnants et le moindre pied carré disponible, y compris les pelouses mêmes du CLSC, depuis les premiers jours de septembre.

L'an dernier ils étaient 600 000.

Maintenant je sais qu'ils sont là, qu'ils ont pris forme humaine et qu'il me faut convaincre un monde incrédule que le cauchemar le Festival Western a commencé.

Nul n'est à l'abri, je crois que même Sherpapa est contaminé, je l'ai vu essayer des bottes. Et je le soupçonne fortement de s'être acheté une chemise à l'heure du déjeuner.

J'ai peur! 

À suivre...